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Discussion avec Willem Rodier

Vivre une transformation Lean

3 minutes de lecture | Diplômé de l’EM Lyon et de Paris-Nanterre, Willem Rodier a évolué pendant plusieurs années sur des postes de manager RH. Aujourd’hui cofondateur de la start-up Flowbow, il revient sur son expérience chez Aramis Auto en tant que Responsable RH, période pendant laquelle il a vécu le projet de transformation radicale de la culture d’entreprise inspirée par les principes du Lean.

Une transformation portée par un Leader

Il y a maintenant plus de 6 ans, le leader de la vente en ligne de véhicules d’occasion a misé sur le Lean Management comme voie de transformation. Si l’on en croit les différentes vidéos de Nicolas Chartier – DG d’Aramis Auto – l’intérêt premier de l’adoption de ce concept devait répondre à des questions de rentabilité et de croissance. A une époque où Aramis Auto grandissait très vite, l’ambition était de poursuivre cette extension sereinement tout en conservant l’esprit start-up au sein de la structure. La stratégie Lean s’est présentée comme une solution séduisante car elle présentait des préceptes qui permettaient d’amoindrir les couts, de réduire les délais, d’améliorer le taux de satisfaction client.

Willem Rodier, ancien Responsable RH d’Aramis Auto, partage avec nous son expérience de cette transformation.

instaurer une culture lean

Une organisation Lean [...] concentre ses efforts à améliorer constamment ses processus afin de tendre vers la perfection : la création de valeur sans aucun gaspillage.

Willem Rodier

Fondateur de Flowbow

Définition de Christian Hohmann

Qu’est-ce que le Lean ?

 

L’idée centrale du Lean est la recherche de la création de valeur maximale (la satisfaction du client) tout en consommant le minimum de ressources. Une organisation Lean est capable d’identifier ce qui fait de la valeur aux yeux d’un client, concentre ses efforts à améliorer constamment ses processus afin de tendre vers la perfection : la création de valeur sans aucun gaspillage.
Le lean raisonne selon des processus transversaux et non pas selon des organisations fonctionnelles en silos, car le flux de valeur se crée au travers des différents départements et services, le long de la chaîne des différents contributeurs et fournisseurs, jusqu’au client consommateur.
Ainsi, les entreprises ou organisations Lean gaspillent nettement moins de ressources, génèrent moins de défauts et maîtrisent bien mieux leurs couts que les entreprises ou les organisations gérées selon le modèle traditionnel. Les entreprises Lean sont aptes à répondre à des demandes changeantes et à gérer une large variété de produits ou services en maintenant un haut niveau de qualité et des plus faibles coûts.

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Comment avez-vous ressenti personnellement les débuts de cette transformation en tant qu'opérationnel ?

Dans les tous débuts, nous nous penchions sur des chantiers opérationnels, par exemple « Comment puis-je réduire par 10 la durée de mise en ligne des voitures sur le site internet ? » Les réflexions et les actions menées étaient donc focalisées sur des sujets assez précis et à titre personnel, cela n’avait pas beaucoup d’influence sur mon quotidien de responsable RH.

A l’arrivée de Michael Ballé, le coach Lean de Nicolas Chartier, le processus de transformation est devenu palpable pour l’ensemble des collaborateurs. Dès l’instant où Nicolas a décidé d’insuffler personnellement cette culture Lean au Comex et aux salariés, la transformation a pu progresser en profondeur.

Nicolas était vraiment impliqué et ne se dérobait pas à l’aspect « terrain » du processus. Il organisait des gembas : Nicolas lui-même se déplaçait dans chaque département afin d’aider à la résolution des problèmes de notre quotidien.

Nicolas a également créé en interne une équipe de coachs spécialisés dans le Lean et des progresspartners, afin d’accompagner la transformation. Bien sûr, nous avons connu une période de flottement, de retours en arrière. L’apprentissage se fait beaucoup par l’erreur, qu’il faut accepter, et par le test.

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Comment s’est structuré ce changement de culture ?

Il n’y a pas vraiment eu de grandes étapes notables, mais plutôt des vagues de changements, relatives à la compréhension de chacun. Des paliers d’apprentissage. Le Lean est de toute façon un processus qui implique une amélioration continue. Il faut apprendre, désapprendre et cela demande une véritable agilité intellectuelle. Et il faut que les équipes acceptent de reculer de 2 pas pour avancer de 3 !

A titre d’exemple, pour la mise en place du management visuel au sein de l’entreprise, je pense qu’une caméra dans l’open space RH aurait pu montrer des avancées par séquences tout au long des 18 mois du projet. En accéléré, la vidéo aurait montré sur les premières secondes un petit tableau peu élaboré dans le fond de l’open space et progressivement, de plus en plus de tableaux Velléda collés sur les pans de tous nos murs. Petit à petit, ces tableaux ont commencé à se ressembler d’un département à un autre (ex : RH et marketing) ; les méthodes appliquées devenaient les mêmes et c’est en cela que l’on pouvait constater qu’une vision commune était en train de se dessiner.

Les trois préceptes du Lean

01
Tout commence et finit par le client
02
On accueille les problèmes et on les affronte
03
C'est celui qui fait, qui sait
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Comment avez-vous interprété et appliqué les préceptes du Lean dans le département RH ?

Dans le département des ressources humaines, nous travaillons pour des directions internes et nous sommes, de fait, un peu éloignés du client final. Sur le premier précepte – Tout commence et finit par le client– nous avons estimé que la vacance des postes était le problème recrutement qui pouvait nuire le plus au client final.

Ce chantier a été difficile à appréhender et nous a demandé de collaborer davantage avec les opérationnels car nous ne pouvions rien accomplir sans eux. De leur côté, ils sont également dû faire plus d’efforts pour anticiper les départs et les recrutements. Tout commence par une collaboration plus forte entre les départements autour d’objectifs communs. Par la suite, nous avons travaillé sur la qualité des recrutements plus que sur la durée des process par exemple.

Le deuxième précepte – on accueille les problèmes et on les affronte – implique lui aussi un grand changement de culture puisqu’il vous pousse à accepter vos problèmes et à accueillir ceux de vos collaborateurs en toute bienveillance. Pourtant, afficher ses problèmes, ce n’est pas du tout dans la culture française. Dans les pays latins, on ne parle que rarement de ce qui ne va pas.

La première étape est de mettre en avant les problèmes de notre client et ensuite les collaborateurs mettent à leur tour en avant les difficultés qu’ils rencontrent pour traiter ces questions : « je n’arrive pas à contacter ce manager pour résoudre le problème de mon client » ; « je n’ai pas une vision claire des besoins de mon client ». Arrivés à un certain point, mon équipe s’exprimait sans plus aucun filtre :  » je n’ai pas compris le profil que je dois recruter ». En tant que Manager, on t’apprend à résoudre les problèmes, à poser les bonnes questions et surtout à écouter. Mais ce qu’il faut noter, c’est que les problèmes étaient affichés aux yeux de tous sur des tableaux et il a donc fallu que les gens acceptent ce deuxième niveau d’exposition qui dépassait l’échange managé/manager mais aussi la frontière de leur département.

Enfin le troisième précepte – c’est celui qui fait qui sait – a littéralement modifié mon rapport à mes recruteurs. Mon rôle consistait à observer l’opérationnel : j’écoutais mes recruteurs lorsqu’ils étaient au téléphone, je regardais sur quels boutons ils cliquaient pour envoyer un mail, je vérifiais que les outils qui étaient mis à leur disposition ne les freinaient pas au lieu de les aider. En plus de noter tout ce qui me paraissait ralentir la production et leur compliquer la tâche, je leur demandais de me remonter leurs problèmes et les invitais à les résoudre par eux-mêmes. Comprenez que ce n’était plus à moi de les résoudre ou de leur donner de nouveaux outils.

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Cela a dû un peu vous déboussoler sur le plan managérial ?

Bien sûr ! Cela implique d’adopter un schéma culturel très différent de celui que propose la culture française. Le rôle du manager en France, c’est d’impulser le changement et de trouver une solution aux problèmes. Dans le Lean, le manager accompagne. Il oriente. Il n’est plus aux commandes, il ne contrôle plus, il porte et aide à résoudre. D’un point de vue managérial, c’est sincèrement gratifiant d’épouser ce rôle de coach. Vous voyez votre équipe monter en compétences jour après jour et vous êtes invités à mettre en avant les problèmes les plus inavouables sans que votre autorité n’en soit perturbée.

Du point de vue du managé, cela peut être plus compliqué en phase de transition, parce-que les gembas, qui invitent les managers à observer de près le quotidien de leur équipe, peuvent véhiculer le sentiment d’être infantilisé, d’être surveillé. Pourtant, Nicolas lui-même se pliait à l’exercice tous les mois dans tous les services. Une fois que vous vous acculturez à ces préceptes Lean, vous vous rendez vite compte que ces exercices sont sains et bénéfiques.

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Comment mesuriez-vous les progrès de l’entreprise dans cette démarche ?

Dans le Lean, tout est au mur ! Comme dit précédemment, les résultats, problèmes et actions de chaque équipe étaient visibles de tous dans les open space. La finalité était de pouvoir aider les départements en difficulté dans leur remise à niveau. Il est d’ailleurs tout à fait normal que tout le monde n’avance pas et n’assimile pas la méthode à la même vitesse. Et vous pouvez tout à fait faire figure d’early adopters pendant un temps avant de retomber quatre mois plus tard dans la queue du train par rapport aux autres départements.

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Comment ce changement de culture a-t-il été accueilli par les salariés ?

Comme dans tout processus de transformation, il y a eu au départ des moments de flottement. Le Lean ne convient pas à tout le monde et c’est normal !

Cette culture ne ménage les égos forts dans la mesure où chacun est invité à exposer ses difficultés et à se remettre en question. Il faut aussi reconnaître que la phase d’apprentissage peut être un peu déroutante. On a eu le sentiment au début de faire des exercices déconnectés de nos urgences opérationnelles sans vraiment savoir ce qui était attendu. Heureusement, la mise en place du Lean a été progressive. Un métier, un rôle, ne changent pas du jour au lendemain.

Ce qui a vraiment été inspirant dans ce processus, c’est l’implication de Nicolas Chartier et du reste de la direction. Quand le dirigeant se plie aux mêmes exercices que soi, c’est très incitatif. Au début d’ailleurs, c’est un peu intimidant lors des gembas de montrer tes tableaux à ton DG et d’avouer tes difficultés. La transparence sur les résultats et les problèmes a été un obstacle important à lever.

Ce qui a pu faciliter les choses peut-être, c’est que les équipes étaient globalement assez jeunes et donc plutôt ouvertes au changement.

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Quelles sont, d’après votre expérience, les forces et les faiblesses du modèle ?

Très honnêtement, je pense que ce modèle peut être extrêmement fructifiant pour beaucoup de structures et plus particulièrement pour les sociétés en B2C. En tout état de cause, les résultats économiques pour Aramis Auto ont été exceptionnels. Les collaborateurs ont été amenés à prendre en main leurs problèmes, à créer des process, des outils, etc. Cela a dopé leur engagement et leur satisfaction professionnelle.

Avec l’amélioration continue, on se concentre naturellement sur ce qui ne va pas. Là, réside un challenge certain pour les managers Lean. Soulever sans cesse les difficultés est une chose, mais il ne faut jamais oublier de dire bravo, de célébrer. Psychologiquement, il faut vraiment faire des efforts pour créer un équilibre et ce n’est pas toujours évident.

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Aujourd’hui vous avez quitté Aramis Auto et vous avez créé votre propre structure. Pourriez-vous nous en parler ?

Tout à fait. J’utilise d’ailleurs au quotidien certains préceptes de la stratégie Lean pour développer Flowbow. Flowbow aide les entreprises à fidéliser et engager tous leurs talents.

Nous le faisons en remettant au centre de l’attention ce qui fait 80% de notre quotidien et qui est le premier enjeu de tous les membres d’une entreprise : le parcours de carrière.

Flowbow propose services et des outils innovants pour transformer et améliorer la gestion des carrières au sein des entreprises : Bootcamps de formation pour les managers, ateliers inspirants pour les dirigeants ou encore plateforme web de coaching pour les collaborateurs par exemple. Nous prenons le meilleur de multiples intelligences, que nous mettons ensuite à disposition de nos clients : psychologie cognitive, technologie digitale, expertise RH issue du terrain….

Nous sommes sur une super dynamique puisque nous existons depuis seulement 6 mois mais avons déjà plusieurs clients ETI et Grands Comptes avec qui nous collaborons quotidiennement pour transformer l’orientation professionnelle en entreprise !

Aramis Auto en quelques dates

  • En 2007, l’entreprise Aramis Auto se voit décerner le statut de « Gazelle » par le ministre des PME et du Commerce, Renaud Dutreil.
  • En 2013, Aramis Auto participe à « Great Place To Work » afin d’identifier les leviers d’amélioration à activer pour satisfaire ses collaborateurs. L’entreprise a été retenue au Palmarès des 32 entreprises saluées pour leurs bonnes pratiques managériales.
  • En 2014, elle s’investit dans un process de transformation pour répondre aux axes d’amélioration pointés par GPTW. L’entreprise crée un programme (HAKA) permettant à chacun d’obtenir une vision claire de la stratégie de l’entreprise, mais également de sa propre contribution : fondé sur les capacités d’initiatives et d’innovation (innov’action), et des connaissances métiers, les collaborateurs s’engagent dans ce processus pour proposer des solutions d’amélioration.
  • AA met également en place un réseau social d’entreprise qui emporte une forte adhésion : ce réseau facilite et encourage l’échange, le partage instantané sur des problématiques opérationnelles, les bonnes pratiques, des projets transverses…
  • La structure instaure l’évaluation 180° pour l’ensemble des managers et définit trois grandes valeurs : confiance, ambition et engagement.
  • Sur l’année 2017, l’entreprise voit ses effectifs augmenter de 42% et atteint les 500 salariés.

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