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Discussion avec Pierre Le Leuch

L'intérêt du coaching pour de jeunes dirigeants

5 minutes de lecture | Diplômé d’HEC en 2005, Pierre Le Leuch entame sa carrière dans la finance d’entreprise à l’international. Il réalise deux ans de contrôle de gestion chez Renault au Mexique et puis 3 ans d’audit financier chez Mazars à New York. Très intéressé par les dynamiques humaines en entreprise, il profite de son retour en France pour s’orienter sur les métiers du recrutement, puis du coaching et de la formation au management. Après une première expérience de 5 ans en cabinet où il accompagne les dirigeants et les managers sur des questions de leadership et de performance collective, il crée en 2017 sa propre structure, Chapters, un cabinet de conseil et de formation au management. Le cabinet s’est naturellement spécialisé sur les univers des start-ups et des Nouvelles Technologies.
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Comment en êtes-vous venu à devenir coach ?

J’avais déjà 7 ans d’expérience professionnelle et l’un de mes camarades de promotion a eu l’occasion de se faire accompagner dans le cadre de la reprise d’une grosse entreprise familiale. Ses retours très positifs sur la démarche m’ont sensibilisé à l’accompagnement managérial, thématique que je n’avais pas du tout abordée lors de ma formation à HEC. A l’époque, les techniques managériales et le coaching étaient encore peu évoqués : les sujets de gestion de la relation ou d’intelligence émotionnelle étaient à ma connaissance absents du cursus de l’école. Quand j’ai découvert que le métier de manager s’appuyait sur des principes rationnels et des méthodes formalisables et duplicables, je me suis plongé dans ces sujets et toutes leurs dimensions : pilotage de la performance, intelligence émotionnelle, développement personnel…

 

Un peu comme dans la conférence Connecting de Dots de Steve Jobs à l’Université de Reeds, je me rends compte a posteriori que j’ai toujours été très sensible à l’impact du discours des gens passionnés sur un collectif. Quand je suis arrivé à New York, j’ai participé à la création de l’équipe de rugby de Brooklyn. Je me souviens très bien du coach, un néo-zélandais avec un accent à couper au couteau, nous expliquant que :  « nous ne sommes pas en train de créer une équipe, nous sommes en train d’écrire l’Histoire ! » Un discours qui aurait sonné comme naïf et caricaturale dans un contexte franco-français, mais qui avait un vrai impact galvanisant pour notre équipe new-yorkaise.

 

Surtout, ce qui a confirmé mon goût pour ce métier, c’est l’impact positif pour mes clients. Il y a des techniques et des principes simples encore mal connus qui ont un vrai impact sur la performance d’une entreprise. J’ai un gros besoin de sens dans ce que je fais. Plus qu’un job, c’est une passion.

coaching de dirigeants de start up

"Comprendre et déconstruire les mécanismes managériaux m’a toujours intéressé."

Pierre Le Leuch

Fondateur de Chapter

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Quel premier conseil donneriez-vous à un dirigeant de start-up ?

Un enjeu essentiel est de s’assurer de l’alignement des dirigeants de la structure sur les objectifs. Il est normal pour une start-up que la stratégie évolue beaucoup, surtout au début. Mais aussi changeante soit-elle, au niveau de l’exécution, elle doit sans cesse être communiquée pour garantir l’alignement de tous. Il vaut mieux communiquer un changement de stratégie et l’expliquer que de laisser du flou. La nature a horreur du vide et, en entreprise, le flou ou le vide se remplissent de stress.

 

L’alignement et la cohésion à l’échelle des associés, doivent être préservés et entretenus, car ce qu’il se passe au niveau des strates supérieures est mimé et reproduit -souvent inconsciemment- par l’ensemble des équipes. Très concrètement, je conseille aux associés de planifier des rencontres récurrentes et à fréquence fixe ; il est essentiel que les membres du management soient alignés vis-à-vis de la stratégie de développement et la vision de la structure en général.

 

La vision doit être une image mentale partagée, et déclinée sur différentes durées : 1 mois, 3 mois, un an… Ne pas se synchroniser sur ces sujets pendant un certain temps peut créer des décalages et diluer la cohésion et la motivation du groupe. Ces rendez-vous, critiques pour la santé de l’entreprise, impulsent une dynamique et sont aussi l’occasion de sortir de la lessiveuse de l’opérationnel pour prendre du recul et reclarifier des priorités.

 

Dans les structures très participatives que sont les start-ups, il faut aussi rapidement clarifier dès que la taille le nécessite ce qui relève du négociable et du non-négociable dans les décisions. Distinguer les périodes de concertation et d’exécution dans les différents projets permet aussi de contenir les tergiversations.

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La structure start-up impose-t-elle un type de management particulier ?

La structure start-up est très exigeante en termes de management car elle peut mêler hypercroissance, pression des résultats, revirements stratégiques, intégration rapide de nombreux collaborateurs, organisation plate, refus du management « à l’ancienne »…

 

Chaque organisation développe son propre style de management, selon son ADN, selon son histoire. En revanche, il ne s’agit pas selon moi d’un type de management particulier : il s’agit surtout d’un management très professionnel de la relation, responsabilisant et motivant, dans un environnement sous pression. Le niveau de maturité managériale requis est paradoxalement très élevé alors qu’il s’agit souvent de jeunes managers. Développer cette professionnalisation est donc primordiale.

 

L’accompagnement des collaborateurs et les sujets liés à la délégation sont essentiels. L’une des particularités des start-up tient à la surreprésentation des profils juniors. La montée en compétence est donc centrale dans ce type d’environnement. Être ni dans le sur-accompagnement ni dans le sous-accompagnement et savoir rapidement agir quand la performance n’est pas là, sont des compétences à rapidement développer pour les managers de start-ups. De façon prosaïque, il faut aussi savoir intervenir en cas de dérapages comportementaux : l’ambiance est souvent cool et bienveillante, et il y a un baby-foot ou une table de ping-pong mais nous ne sommes plus à la cafétéria étudiante…

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Quelles sont les clefs pour faire grandir et rendre opérationnelles rapidement ses équipes ?

Sur la montée en compétence par exemple, j’accompagne les dirigeants/managers pour qu’ils ne mettent pas leurs mains sur les ordinateurs de leurs managés, mais aussi à éviter le « on fait ensemble ». A moins qu’il ne s’agisse d’une session de brainstorming, le « on » peut s’avérer insidieux en communication managériale ; il laisse un flou sur l’ownership d’une tâche, empêche d’évaluer le niveau d’autonomie réel et ne permet pas au manager de se détacher de la tâche à déléguer.

 

La meilleure option est de verbaliser clairement cette délégation en proposant à son managé 1) de tenter de résoudre un problème seul, 2) de débriefer avec lui quelques temps après. Le débriefing est essentiel dans la montée en compétence. Un débriefing questionnant et responsabilisant où le collaborateur trouve son propre chemin d’exécution. Il n’y a pas toujours le temps de tout valider lors du briefing, il faut se lancer !

 

S’appuyer sur une terminologie commune a aussi des vertus dans le management. Parfois, remettre au clair certains concepts permet de faire gagner du temps et de parler simplement d’une situation. Qu’est-ce qu’un recadrage, un briefing, un feedback etc…

 

Un autre exemple est qu’il est important qu’un manager puisse comprendre la différence entre une faute et une erreur. Les erreurs, cela arrive, elles sont sources d’apprentissage ou d’innovation. Les fautes, quant à elles, sont rapidement recadrées car non-négociables.

 

Ce sont donc des concepts simples et une grille de lecture partagée qui serviront ensuite de terreau à la scalabilité du système.

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Sur quoi intervenez-vous en particulier pour éclairer vos interlocuteurs sur ces questions managériales ?

Pour favoriser la montée en compétences managériale, j’équipe les managers avec des outils opérationnels concrets : comment structurer un bilan, comment traiter un recadrage, etc… Il y a différents profils de startupeurs, les profils analytiques et rationnels apprécient que je leur donne un background théorique et une boîte à outils actionnables sur le management de la performance.

 

Mais en amont des outils, il est important de passer par une phase de prise de conscience sur l’impact de sa communication sur les autres. Les feedbacks, les mises en situation, les 360°, les tests de personnalités ainsi que l’accompagnement dans la durée me permettent de travailler ces sujets. Le management est plus un sport qu’un process car la dimension émotionnelle y est centrale. Donc, comme un sport, c’est la pratique qui permet l’appropriation. Et la prise de conscience sur la posture est le début de tout.

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Comment gérer le contexte de croissance rapide, propre à la start-up ?

L’une des spécificités des start-up en forte croissance est qu’elles doivent intégrer beaucoup de collaborateurs dans un contexte où la pression de l’opérationnel est constante. Il est donc indispensable et prioritaire de rappeler aux nouveaux arrivants dès leur arrivée les éléments de la Mission et des Valeurs. Sans quoi, vous prenez le risque de diluer l’identité de la structure et de vous retrouver avec des équipes ayant la tête dans les opérations, aspirées par le quotidien et qui perdent de l’énergie sur le day to day et les problèmes à résoudre.

 

Si on enlève le sens de ce qu’on est en train d’accomplir, il ne reste plus que la contrainte. Rappeler la Mission de l’entreprise contribue ainsi à faire vivre le sens des actions entreprises, rappeler la Vision permet de prendre de la hauteur sur ce que l’on fait et de mettre en perspective le quotidien, rappeler les Valeurs souligne comment nous nous percevons en tant que groupe.

 

De son côté, le dirigeant doit prendre du recul. Je sais qu’un patron de start-up manque souvent de temps, mais l’idéal serait de sacraliser une session tous les 15 jours – soit seul, soit avec un collègue – pour faire le point sur ses priorités long-terme.

 

J’invite aussi mes clients à utiliser les séminaires annuels pour adresser ces sujets macro : que visons-nous ? Où allons-nous ? Comment vivent nos valeurs au quotidien ? C’est essentiel pour souder le collectif.

"Clarifiez, prenez du recul et reclarifiez. Le flou est l’ennemi de la performance."

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Selon vous, sur quel sujet le coaching a-t-il le plus de bénéfice ?

Le plus souvent, je travaille sur deux points essentiels à la santé et la performance de l’entreprise.

 

Tout d’abord, il y a la clarification de la vision. Quand je parle de vision, j’entends par là, non pas ce qui apparaît sur les sites web, mais vraiment les projets et objectifs à 6 mois/1 an. C’est ce qui permet de se figurer ce vers quoi vous allez. Dès l’instant où votre équipe est en mesure de se projeter et de se représenter le futur de l’entreprise – et le leur -, la vision devient un vrai levier de motivation.

 

Notez que la vision est une décision. En cela, là où les valeurs peuvent être définies en mode collaboratif (enquêtes, workshops), la vision peut être nourrie par les collaborateurs, mais elle doit finalement être décidée et portée par le management. Cela demande du courage et de la lucidité pour le manager qui doit faire des choix, parfois douloureux. Si la vision n’est pas claire ou qu’elle est trop généraliste, il sera difficile d’en faire découler des choix stratégiques tranchés, votre équipe ne sera pas capable d’en parler. Si vous ne ressentez pas de l’enthousiasme, que vos équipes ne sont pas embarquées, c’est qu’elle doit être éclaircie.

 

Employée comme un outil de management, de communication collective, la vision devient le départ d’un storytelling collectif. Si j’ai appelé mon cabinet Chapters, ce n’est pas par hasard. Le rôle du management est d’écrire une histoire collective qu’il est nécessaire de réactualiser à différentes échelles : chaque mois, trimestre ou semestre.

 

En parallèle à ce travail sur la vision de l’entreprise, je travaille avec mes clients sur l’énergie apportée dans leurs communications et cela passe par des sessions de formation sur les sujets suivants :

 

  • La conscience de soi
  • Les techniques outillées

 

Les livres et Internet peuvent vous donner de nombreuses techniques managériales, mais il est clé de travailler en même temps la conscience de soi. Par conscience de soi, j’entends la capacité à comprendre l’impact de sa propre communication. Quel impact ai-je sur la motivation de mon équipe (qu’il soit positif ou négatif) à travers mes échanges au quotidien ? Avoir conscience de cet impact sur son équipe, c’est le cœur de l’intelligence émotionnelle. Et c’est un axe d’amélioration infini dans le sens où il s’agit d’un sujet sur lequel on peut perpétuellement progresser.

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Quel conseil donneriez-vous aux start-up pour recruter les meilleurs talents conformes à leur réalité ?

Au-delà des compétences techniques, la priorité est de valider le culture fit à travers l’alignement avec les Valeurs.

 

Ensuite les leviers de motivation de la personne : que vient-elle accomplir ici ? A quoi est-elle sensible en termes de leviers de reconnaissance ?

 

En outre, les compétences comportementales sont essentielles et tout particulièrement à la capacité à accepter les feedbacks. C’est primordial dans un environnement qui va vite et où la remise en question est permanente. Les dirigeants doivent observer comment leur candidat est en mesure d’accueillir les remarques, de ne pas les prendre comme des attaques personnelles. Dans une structure start-up, il est très important de travailler dans un environnement sain et capable de se remettre en question.

 

Il est plus intéressant d’observer le mode de réflexion du candidat que de valider si il a les bonnes réponses. Lors des fameux entretiens chez McKinsey  par exemple, les recruteurs s’intéressent davantage à la manière dont les candidats réfléchissent plutôt qu’à la solution qu’ils vont donner.

 

Aujourd’hui, on est dans un monde où le but ce n’est pas d’être parfait mais d’être agile et adaptable. Et donc prendre les feedbacks et de les accepter pour grandir est la clé pour rester pertinent sur la durée.

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Le coaching s’est bien développé ces dernières années. D’après vous, comment bien choisir son coach ?

Ce qu’il ne faut surtout pas négliger selon moi, c’est la rencontre et le gut feeling. Prenez le temps de rencontrer un coach avant de signer et assurez-vous du fait que vous vous sentez à l’aise pour discuter en toute confiance avec lui. Vous allez passer du temps à creuser vos sujets avec lui !

 

L’univers du coaching est très morcelé et mal référencé, c’est un métier qui reste artisanal même si certaines plateformes commencent à apparaître. Cela ne facilite pas toujours la recherche d’un coach. Les différents réseaux de coachs peuvent être en ce sens un premier point d’entrée. Le bouche-à-oreille en est un autre.

Pour aller plus loin

Les conseils de lecture de Pierre

 

  • Built to last de Jim Collins et Jerry Porras
  • Toutes les vidéos de Simon Sinek et notamment les Golden Circles
  • 3 amis en quête de sagesse, une discussion entre un philosophe, un moine tibétain et un psychanalyste ‘(Alexandre Jollien, Christophe André et Matthieu Ricard) ce n’est pas un livre sur le business mais sur l’intelligence émotionnelle.
  • Qui m’a piqué mon fromage ?  de Johnson Spencer sur l’accompagnement du changement (il se lit en 20 minutes)
  • The Hard Thing About Hard Things : Building a Business When There Are No Easy Answers de Ben Horowitz. Je ne suis pas fan du vocabulaire guerrier dans la création d’entreprise mais ce livre est pertinent sur le fait que oui, même si un collaborateur est très performant, si il n’est pas aligné avec les comportements attendus, il faut s’en séparer. La No Jerk Rule.

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